Refuge Marcadau Wallon
L’être humain, sans doute effrayé par l’atmosphère blafarde et l’incessante pluie, a massivement déserté la montagne. Je jouis de la grise solitude caractéristique des matins blêmes du mois de Mai, m’envasant délicieusement dans une épaisse quiétude aux teintes exsangues. Je déambule sur les contreforts sauvages et escarpés de la Cardinquère, parmi les cadavres monumentaux des pins sylvestres affalés sur les banquettes à l’herbe jaune, parfois dressés, surplombant nus les falaises pareils à des monstres aux membres tordus et déchiquetés. Quelques infimes taches de couleurs tentent vainement d’attirer l’œil au milieu des granits mousseux, mais l’heure est au morne et c’est très bien comme ça.
Dans la semi-obscurité du vaste réfectoire, raisonnent les nappes profondes de Steve Roach ; je m’installe près du poêle, me roule une clope et la fume lentement en pianotant sur l’ordi. Je me dis que présentement, je ne sers pas à grand-chose, voir même à rien. C’est fort agréable et je me réjouis de cette douce inutilité, de cette narcissique oisiveté. Il peut être foutrement bon de ne servir à rien.